vendredi 25 décembre 2015

Rosalie Dubois chante "Soleil levant", poème d'Eugène BIZEAU


Soleil levant
Debout ! ceux dont l'âpre détresse
Gémit sans espoir et sans pain.
Ce n'est pas quand l'oisif  s'engraisse
Que nous devons mourir de faim ;
Jaillissant du coeur populaire
Voici de farouches clameurs :
On ne supprime la misère 
Qu'en supprimant les affameurs !

Compagnons de toute la terre
Le soleil se lève au ciel noir
Et bientôt sa grande lumière
Chassera les ombres du soir

Hier, sur le champ de bataille
Conduits comme un pauvre troupeau,
Sous un ouragan de mitraille,
Les gueux ont creusé leur leur tombeau ;
L'Eglise a béni la tuerie
Comme une oeuvre chère à Dieu,
Mais un jour la plèbe affranchie
Ne retournera pas au feu.

Bourreaux de la classe ouvrière,
Nous voulons le désarmement, 
Et le cri de "guerre à la guerre !"
Est notre cri de ralliement.
En apprenant à se connaître,
Les peuples seront des amis,
Et ce sera pour vous y mettre
Qu'ils dresseront des piloris...

Eugène BIZEAU, poème écrit en 1931

samedi 19 décembre 2015

Joyeux solstice d'hiver



Joyeux solstice d'hiver


Au gui l'An neuf !

Etrennes à moi ! Disent encore les vieux bretons. Voici les vôtres, camarades !
Que pouvions-nous vous offrir de mieux que ce fil conducteur...de nos pensées et de nos espoirs communs...Vous aurez donc mission de le consolider ce fil, et de le fleurir !...« S'instruire et s'armer » pour obtenir « Bien-être et Liberté » telle est vous le savez la devise syndicaliste. Ensemble, nous voulons briser nos chaînes affranchir l'école des tutelles politiques qui créent les dogmes, abêtissent les esprits...établir un ordre social plus humain et plus juste. L'oeuvre est immense. Il y faut des pionniers sur toutes les brèches....
Taillez vos plumes, vous les jeunes ! Pour revendiquer votre part de soleil...
Taillez vos plumes, éducateurs avertis ! Faites-nous bénéficier de votre bonne expérience...
Taillez vos plumes, vous les artistes, poètes et littérateurs !
Taillez vos plumes, vous les meurtris de la guerre ! Vous avez bien acquis le droit de dire qu'il ne faut pas que cela se renouvelle...
Pour la mémoire de nos camarades tombés en maudissant la guerre...
Nous sommes bien résolus...L'avenir a plusieurs noms : pour les faibles, il se nomme l'impossible ; pour les timides, il se nomme l'inconnu ; pour les penseurs et les vaillants, il se nomme l'idéal.
Taillez vos plumes ! Et au gui l'an neuf, camarades !
Quelques lignes extraites de l'Editorial d'Anne BIZEAU dans le 1er numéro de « l'Emancipateur » paru en décembre 1919.


Dessins pacifistes de CABU





Infos diverses :
  • Le blog de l'Association enregistre à ce jour près de 21 8830 visites
  • Le cahier n°25 devrait être disponible au printemps 2016.
  • Projet 2016 : exposition sur Anne et Eugène BIZEAU à Massiac


vendredi 25 septembre 2015

Réédition du livre sur Eugène BIZEAU

Réédition du livre "Eugène Bizeau, vigneron, poète, libertaire" de nos amis Gérard Lecha et Jean-Luc Richelle




contact : Edition La Cause du Poulailler - 1, Chauvet - 
33540 COIRAC
contact@causedupoulailler.fr

vendredi 10 juillet 2015

Anne Adélaïde CHAMBONNIERE, épouse BIZEAU

Anne Adélaïde CHAMBONNIERE, épouse BIZEAU, 
institutrice syndicaliste ,libertaire, pacifiste et féministe 
(1882 - 1973)

Si la mémoire collective a retenu le nom d'Eugène BIZEAU, poète anarchiste, pacifiste, anticlérical, vigneron, décédé en 1989 à l'âge de 106 ans dans sa Touraine natale, le nom de sa compagne, Anne BIZEAU mérite d'être honoré à plus d'un titre.
Adélaïde, Anne CHAMBONNIERE née à Trémouille, petit village du Cantal, le 22 mars 1882. Après avoir suivi ses études en École Primaire Supérieure et brillamment obtenu le Brevet Supérieur, elle devient institutrice à Menet (Cantal).
Le syndicalisme étant interdit aux fonctionnaires, comme la plupart des instituteurs, elle fait partie d'une amicale et devient en décembre 1912, secrétaire-adjointe de l'Amicale des membres de l'Enseignement Primaire Public du Cantal.
Parallèlement aux amicales qui sont sous la coupe des Inspecteurs d'Académie, les instituteurs combattent pour une vraie syndicalisation liée au mouvement ouvrier.
Anne CHAMBONNIERE, avec d'autres instituteurs se reconnaît dans le « Manifeste des Instituteurs Syndicalistes » (1905) qui revendique l'indépendance du corps enseignant par rapport à l'Etat représenté par les Inspecteurs d'Académie :
« ...Le corps des instituteurs a besoin de toute son autonomie (…) qui ne peut être réalisée que par la constitution en syndicats des associations professionnelles d'instituteurs (…) décidés à se substituer à l'autorité administrative impuissante devant les ingérences politiques (…). Les instituteurs réclament le droit de se constituer en syndicats, entrer dans les bourses du travail. Ils veulent appartenir à la Confédération Générale du Travail. Par leurs origines, par la simplicité de leur vie, les instituteurs appartiennent au peuple... ».
Tout en étant par « obligation professionnelle » tenue de rester dans l'amicale, elle va adhérer, suite au Congrès de Nantes (mars 1907), à la « Fédération Nationale des Instituteurs et Institutrices à la CGT » qui deviendra en 1915 le « Syndicat des instituteurs » faisant paraître la revue « L'émancipateur ».
Mais depuis longtemps, parallèlement à l'action syndicale, Anne s'investit dans le combat féministe. Elle fonde le  Groupe féministe cantalien » dont elle sera la secrétaire durant de nombreuses années, en particulier durant la guerre de 1914 – 1918, où ce groupe prendra des positions solidaires envers les institutrices réprimées pour dénonciation de l'état de guerre, pour appel à la paix etc.
En 1916, son parcours de féministe et de pacifiste se radicalise, influencé en partie par sa rencontre et mariage avec Eugène BIZEAU dont elle partage les idées.
Le couple s'installe à Massiac dans le Nord Cantal, où elle est nommée directrice de l'école maternelle. Le couple aura deux enfants, Max et Claire.
En 1919, elle fondera le syndicat départemental de l'enseignement dont elle assurera le secrétariat de 1919 à 1924. Anne BIZEAU s'intéressera particulièrement à la dénonciation des livres scolaires chauvins, prônant le nationalisme et le patriotisme.
Mais nous sommes en juillet 1917. Dans la France en guerre depuis trois ans la chasse aux instituteurs pacifistes, ouverte depuis des mois s'intensifie à coup de poursuites judiciaires et de révocations. Aussi, Anne BIZEAU au sein de l'amicale, comme dans le syndicat, mène inlassablement des campagnes de solidarité en faveur des enseignants poursuivis, condamnés et révoqués pour délit d'opinion, défaitisme, comme les époux MAYOUX par exemple.
Ceux-ci, instituteurs pacifistes ont eut le tord de faire paraître une petite brochure intitulée :  « Les instituteurs syndicalistes et la guerre » ce qui leur a valu d'être suspendus de leur fonction.
Immédiatement Anne BIZEAU réagit dans un article du journal de l'Amicale :
« Le Conseil d'administration de l'amicale, considérant que les camarades Mayoux ont été révoqués pour délit d'opinion demande l'amnistie et la réintégration dans l'enseignement... ».
Dans la même période, elle va mobiliser les Amicales et les syndicats du Cantal pour défendre d'autres instituteurs réprimés pour avoir exprimé leur pacifisme, comme Gabrielle BOUET ou Hélène BRION. Cette dernière, institutrice, porte-parole du courant pacifiste au sein de la CGT., est empêchée par la police de se rendre à la conférence pacifiste de Zimmerwald (1915). Son domicile est perquisitionné en juillet 1917, elle est suspendue sans traitement avant d'être arrêtée en novembre pour « propagande défaitiste » et incarcérée dans la prison des femmes de Saint-Lazare.

Eugène BIZEAU lui consacrera un poème :
« Vous disiez avec foi : « La guerre est un fléau »
Désarmons la rancoeur humaine
Au lieu d'entretenir le culte de la haine
Donnons à la jeunesse un idéal plus beau... »

Anne BIZEAU n'a pas attendu de rencontrer son compagnon Eugène pour s'adonner à la poésie. Après un premier recueil, « Les ailes de soie », elle fait paraître un deuxième livre, « Souvenance », préfacé par Paul GUTH, qui la surnomme la « Fée d'Auvergne ».

Dans ce livre, elle se souvient de son frère, mort à la guerre en 1917, et crie son antimilitarisme dans « Le temps des folies » (extrait) :
« (…) Ils attendaient qu'on les désarme
Ces enfants de leur chair meurtrie,
On les coucha dans la prairie,
Ah ! Maudit soit le temps des armes... »

Même opposition à la guerre, dans le poème « Ils sont tombés » (extrait) :
« Ils sont tombés comme les blés
Les gars si fiers de leurs vingt ans
Ils sont tombés comme les blés
Sans avoir mangé leur pain blanc !
Ils sont tombés comme des fruits,
des fruits amers en leur verdeur,
Ils sont tombés comme des fruits,
Sans épuiser tous les bonheurs... »


Ou encore, « Automne 1914 » (extrait) :
« ...Les hommes tombent follement
Dans le vent qui souffle en rafales
C'est la chanson des noirs autans
Les balles sifflent sur les dalles
Sifflent, mortelles dans le vent
Les hommes tombent follement ».

Avec Eugène, son compagnon elle aura partagé les combats émancipateurs.
Tous deux ont été également des passionnés de poésie durant toute leur vie, et le virus de la poésie aura été transmis à leur fils Max qui a édité trois recueils de poèmes et un livre « Au nom d'un fils », avec des dessins de CABU, qui illustra également les recueils du père, Eugène BIZEAU : « Verrues sociales », « croquis de la rue » et « Guerre à la guerre ».

A la fin de la première guerre mondiale, le couple BIZEAU, infatigable, participera au combat pour les amnisties des réfractaires à la guerre, avec les syndicalistes et les révolutionnaires, et soutiendra le combat pour la réhabilitation des fusillés pour l'exemple.

Poème « Amnistie » (extrait) :
« Amnistie ! Amnistie aux soldats en révolte
Contre l'autorité brutale et désinvolte
Qui leur mit sur le corps des guenilles sans nom
Pour qu'ils soient « jusqu'au bout » de la chair à canon !
Amnistie ! Amnistie à tous les réfractaires
Qui n'ont pas accepté les jougs héréditaires
Et qui n'ont pas servi, comme des instruments
Les projets monstrueux de leurs gouvernements !... »

Une sacrée famille, je vous l'assure !
Pacifiste, antimilitariste, féministe, syndicaliste et libertaire, Anne méritait bien d'être honorée !

Michel Di Nocera,
secrétaire de l'Association Laïque des Amis d'Anne et Eugène BIZEAU*

  • L'Association rend hommage aux Bizeau, chaque année, à Massiac (Cantal) durant lequel se tient une conférence, éditée ensuite dans les « Cahiers Anne et Eugène BIZEAU ».
  • Pour plus d'informations, le blog de l'Association : http://lesamisdebizeau.blogspot.fr/


mercredi 8 juillet 2015

Famille BIZEAU en 1926

Eugène Bizeau, sa femme Anne, la grand-mère paternelle et les deux enfants, Max et Clairette. La photographie a été prise à Massiac en 1926

dimanche 5 juillet 2015

Nouveautés


Deux rubriques sont à votre disposition sur ce blog :
- Poésie pacifiste
- Figures du pacifisme : femmes et hommes politiques, syndicalistes, internationalistes

jeudi 2 juillet 2015

« Les femmes dans le mouvement ouvrier durant la guerre de 1914/1918 »

l'Association Laïque des Amis d'Anne et Eugène BIZEAU* organise le XXV ème hommage aux BIZEAU
le Dimanche 11 octobre 2015 à MASSIAC (Cantal) – 

 « Les femmes dans le mouvement ouvrier 

durant la guerre de 1914/1918 »
Conférence d'Evelyne PAILLARD, syndicaliste

A peine les crédits de guerre votés, René VIVIANI, alors Président du Conseil lance le 7 août 1914, un appel : « Debout, femmes françaises, jeunes enfants filles et fils de la patrie ! Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur les champs de bataille (…) Debout, à l'action, au labeur ! ! Il y aura demain de la gloire pour tout le monde ! ».
Durant la guerre de 1914/1918, les femmes vont subir de plein fouet l'exploitation capitaliste dans les usines et dans les champs.
Pour leur part Anne et Eugène BIZEAU soutiendront la lutte des pacifistes internationalistes.
Notez dès à présent cette date ! Une invitation à la conférence, avec fiche de réservation, ainsi que l'appel à cotisation 2015/2016 sera envoyée début septembre.

Comme chaque année, la conférence est suivie d'un apéritif et d'un repas fraternel
Renseignements et inscriptions au 04 71 68 23 67 ou nicolefourcade15@orange.fr
Siège social : 48, Avenue Edouard Herriot – 43100 BRIOUDE – 04 71 50 04 27
* Association adhérente à l'Association Laïque des Amis des Monuments Pacifistes, Laïques, Républicains et Anticléricaux

samedi 16 mai 2015

Mutinerie et soviet des soldats russes en France en 1917

Photos des soldats des russes mutinés à la Courtine en 1917

La Courtine : Les délégués du soviet des soldats élus par les hommes du 1er régiment 


Malgré les tentatives des états majors de mettre au pas les soldats, ceux-ci arborent des banderoles en français ou en russe.

 Sur la banderole rouge: « Vive la Russie » et en initiales « libre, démocratique, socialiste ».

Soldats russes à la gare de La Courtine en juin 1917
Sur la banderole : « En avant pour la paix du monde entier 


19 septembre 1917 : Arrestation d’Afanasie Globa, responsable du soviet des soldats russes mutinés du camp de La Courtine
 Juin 1917 à la Courtine en Creuse
Les dirigeants du soviet des soldats russes en France qui exigent le rapatriement en Russie s’adressent aux soldats de la première brigade.


Fin 1915, les armées sur le front ouest sont déjà exsangues, car les pertes ont été effroyables : les offensives lancées face aux mitrailleuses adverses sur un front figé ont été meurtrières. Les forces s’équilibrent. Du côté des Alliés et en premier lieu en France le gouvernement a déjà fait appel par anticipation aux classes les plus jeunes. Les troupes coloniales ont également été sollicitées.

L’idée naît de « puiser » dans les « immenses réserves » du « réservoir » humain russe. Les négociations n’aboutirent qu’à l’envoi en avril 1916 en France de deux brigades, environ 20 000 hommes, et deux autres vers Salonique en Orient. Formées au camp de Mailly en Champagne, ces troupes vont être versées au combat dès l’automne 1916.

Mais au début de 1917 en Russie, après 3 jours de manifestations massives des ouvrières à Pétrograd, la révolution éclate. Le 2 mars se constitue un gouvernement provisoire dirigé par le prince Lvov. Des soviets d’ouvriers et de soldats se mettent immédiatement en place renouant ainsi avec la première révolution de 1905, 2 jours plus tard le Tsar Nicolas II abdique.

Les soldats russes s’emparèrent alors du Prikase n° 1 (l’Ordre n°1) décrété par le soviet de Petrograd pour créer sur le front français leurs propres comités de soldats. Ce Prikase indiquait dans ses articles 6 et 7 que le garde à vous au passage d’un supérieur et le salut militaire obligatoire étaient abolis hors du service et qu’étaient supprimées les formules décernées aux officiers du genre : « Votre excellence, votre noblesse », ces dernières étant remplacées par Monsieur le Général, Monsieur le Colonel. Ce décret ordonnait que soit interdit désormais le tutoiement et les mauvais traitements des gradés à l’égard des soldats.

En avril, les comités des brigades russes en France décidèrent que l’offensive de printemps serait la dernière à laquelle les unités russes participeraient. La révolte ouverte de ces unités a donc commencé au lendemain de l’échec de l’offensive Nivelle du 16 avril 1917, qui fit rappelons-le, 271 000 morts dont 6 000 soldats russes.

Le souffle de la révolution en cours en Russie, les milliers de morts dans leurs unités, l’élection de leurs délégués de comités, l’exigence de cesser les combats et de rentrer en Russie, transformèrent soldats russes en des révoltés, que rien ne pouvaient ramener à l’état antérieur.

Le 1er mai 1917 fut le tournant majeur dans cette situation, voici ce qu’écrivait un soldat de la première brigade Stéphane Gavrilenko à propos des manifestations de son unité ce jour-là :

(…) Dans ces conditions, nos délégués ouvriers et soldats ont décidé d’organiser coûte que coûte la manifestation du 1er mai, bien qu'il n'y ait pas d'autorisation.
Le premier orateur des délégués ouvriers et soldats à prendre la parole a été le camarade Kossouraïev, de la 9ème compagnie, qui a fait un discours enflammé, expliquant pourquoi nous étions venus ici: "Pour fêter la liberté de notre Russie, honorer la mémoire de nos camarades tombés pour la liberté et pour ne pas oublier ceux qui sont enfermés dans les prisons dont les murs suintent de saleté." Son discours a été prononcé avec une telle émotion que personne ne pouvait retenir ses larmes.

Après lui, est intervenu le deuxième orateur, Tsiglov, qui a exprimé nos besoins, nos souffrances et a décrit les punitions venant de nos chefs qui se comportaient de façon si révoltante. A entendre un discours si beau, chaque soldat en avait l'âme retournée, tous avaient le visage en larmes. On avait envie de dire: "Voilà comment vous, scélérats que vous êtes, vous vous comportiez avec nous les soldats. Maintenant, regardez-nous les yeux dans les yeux. Qui de nous avait raison, qui était coupable? Vous buviez notre sang, vous nous forciez à appeler blanc ce qui est noir et noir ce qui est blanc, mais le noir s'est levé devant les yeux des soldats, il s'est transformé en blanc, puis en rouge et soudain tout s'est obscurci comme dans l'épaisseur mortelle de la nuit!"

Lui a succédé le député de notre 10ème compagnie, Polikarpov, qui a salué ses camarades soldats et messieurs les officiers. Il nous a ensuite fait un discours: "Camarades, quelle joie se manifeste chez nous, en Russie! Une joie qui est parvenue jusqu'à nous. Mais nous ne devons pas oublier les camarades morts pour rien, ceux qu'on a fusillés dans les camps de Mailly, pour des actions réelles ou supposées. Nous ne devons pas oublier que lorsqu'ils sont venus de Russie, ils avaient avec eux un colonel, un véritable Allemand, qu'ils avaient repéré et qui voulait même les faire jeter à la mer. Tremblants de tout leur corps, ils avaient enduré toutes les punitions, tous les tourments qu'il leur avait infligés. Et lorsqu'ils ont eu atteint le lieu de débarquement à Marseille, là, après toutes les souffrances supportées pendant la traversée, ils ont décidé de le tuer. Tout le régiment était dans le coup, mais huit hommes ont été considérés comme coupables et le colonel Ivanov les a fait passer devant un tribunal.
Je dois dire une chose: si le colonel Ivanov a conscience de sa faute, qu'il vienne à ma place et que, face à tout le régiment, il demande pardon à ceux qu'il a fait fusiller."

Le colonel Ivanov a alors demandé pardon, s'est incliné devant tout le monde et il est descendu de la tribune. Les discours des orateurs ont ensuite recommencé. Tout le monde écoutait au pied de la tribune.(…)

Voici que le général Palitsine et notre général de brigade Lokhvitski arrivent à cheval vers notre régiment. Le général Palitsine a mis pied à terre. Il est venu près des soldats et a demandé: "Permettez-moi de venir parmi vous." On a dit: "Qu'il vienne!"
Il est arrivé, a écouté nos discours et a dit: "Messieurs les soldats, permettez-moi de vous lire l'ordre que j'ai apporté." Nous l'avons autorisé: il en a fait la lecture. Les orateurs lui ont dit: "Nous connaissons cet ordre depuis longtemps et il est inutile de nous le lire, il y en a assez d'amuser la galerie!"

Ensuite, après ces paroles, il y a eu une succession d'orateurs qui ont fait des interventions contre lui et ont entrepris de lui rappeler les sanctions auxquelles il en avait tant rajouté. Et, à la fin, tous lui ont dit d'une seule voix: "A bas le vieux bureaucrate, à bas!"
II a alors demandé: « Petits frères permettez-moi de partir!" On lui a accordé le passage et, derrière lui, tout le monde criait: "A bas!" Et il est reparti à cheval.

Les délégués ont dit ensuite: "Retournez à vos locaux de cantonnement et n'oubliez pas de chanter et que l'orchestre joue le nouvel hymne: Peuple debout, soulève-toi! et la marche funèbre: Vous êtes tombés pour la patrie. » (…)

« Le journal de Stéphane Ivanovitch Gavrilenko » Editions Privat.(pages 142 à 147, extraits)


Ainsi, après avoir publiquement conspué le commandant des troupes russes en France et manifesté le 1er mai 1917, devant la crainte de l’onde de choc des mutineries russes et de la contagion aux unités françaises, les unités furent déplacées au centre de la France, à la Courtine en Creuse où la 1ère Brigade arriva dans ce camp militaire le 26 juin 1917.

Pendant trois mois, les 10 300 soldats de cette 1ère brigade, refusèrent de se rendre et de se soumettre aux ordres du gouvernement provisoire et de leurs officiers. Bien mieux, ils renvoyèrent ces derniers et s’organisèrent autour de leur soviet.

Les soldats organisèrent leur casernement, ils défilèrent aux ordres de simples soldats. Et surtout, ils discutèrent de toutes les questions de l’heure : la guerre, le partage des terres en Russie, le pouvoir des soviets, la trahison du gouvernement provisoire qui les abandonnait et voulait qu’ils obéissent de nouveau aux officiers.

C’est le Général Comby dirigeant la XIIème région militaire qui assura la préparation et la mise en œuvre de la répression des 10 300 soldats mutinés. L’assaut fut donné le 16 septembre, le combat cessa le 19 septembre au matin. En 3 jours, 800 obus avaient été tirés sur les mutins.

Malgré la répression, la déportation de 5000 de ces mutins en Algérie, la dispersion de milliers d’autres dans compagnies de travail en France, les anciens soldats du corps expéditionnaire russe étaient devenus des défenseurs déterminés de la révolution d’octobre 1917. Ils regagnèrent leur pays devenu l’URSS à partir de 1919, à part quelques centaines qui s’installèrent en France.
La mutinerie et le soviet des soldats russes sur le sol français en 1917 ont ainsi écrit une de plus belles pages de l’histoire du pacifisme, de l’antimilitarisme et de l’internationalisme des peuples..

Jean-Paul Gady,
Adhérent de la LP87 et de « La Courtine 1917 »


Retour sur une belle aventure.....
Le 15 septembre 2012 fût pour les militants de la fédération de la Creuse de la Libre Pensée, une journée riche en émotion et pour tout dire inoubliable. Ce fut là le point d'orgue de plusieurs années d'activité autour des événements survenus à La Courtine durant l'été 1917. Cette page d'histoire fut écrite par plus de 10000 soldats Russes de la première brigade, internés dans le camp militaire de cette bourgade suite à leur mutinerie sur le front. Ils ne plièrent pas devant les exigences des officiers et, malgré la sauvage répression qui s'abattit sur eux en septembre ils refusèrent de reprendre le chemin des champs de batailles. C'est cette histoire que nous raconte le monument de granit et de bronze que nous avons inauguré ce jour là au cimetière de la Courtine, sous la présidence du regretté Marc BLONDEL qui nous avait fait l'honneur de se joindre à nous, en présence du maire , du conseiller général et d'Éric MOLODTZOFF, descendant de mutin qui a su, pour la circonstance, nous parler avec son cœur. A ce moment, où étaient rassemblées plus de deux cent personnes, nous pensions tous à la belle mobilisation qui s'était organisée autour de ce projet.
Nous pensions aux deux cent trente six souscripteurs qui nous ont rejoints, à ceux qui assistèrent aux deux conférences que nous avons organisées, l'une à Guéret, l'autre à la Courtine. Nous pensions aussi aux professeurs de la section taille de pierre du lycée des métiers du bâtiment de Felletin et à leurs élèves, qui découvrirent cette histoire grâce à nous et s'investirent avec enthousiasme dans la réalisation de ce projet, nous pensions aussi à l'artiste Clermontoise pleine de sensibilité, qui a su si bien traduire dans le bronze cette magnifique épopée.
La fédération de la Creuse de la libre Pensée est fière d'avoir su rendre hommage aux hommes de la première brigade du contingent russe en France si longtemps ignorés.
Depuis, l'association « La Courtine 1917 » poursuit et amplifie le travail accompli par la Libre Pensée avec comme objectif celui d'approfondir la connaissance que nous avons de cet événement historique et de le faire connaître au plus grand nombre tant ses enseignements restent d'actualité.
Longue vie à cette association.

Régis PARAYRE, Président de la Libre Pensée de la Creuse

dimanche 8 mars 2015

La chanson de la Commune

 chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 / [choisis et présentés par] Robert Brécy
(Robert Brécy qui a coréalisé avec Bernard Baissat le film "Ecoutez Bizeau" et a écrit sur la "Muse rouge" dans laquelle Bizeau publiait des poèmes...)

MONSIEUR CAPITAL



Je suis la force et la puissance,
L'esprit, la gloire et la science ;
Valeur, marchandise ou métal,
Je règne sous le nom de Monsieur Capital.

Invisible propriétaire,
Je tiens le travail sous ma loi,
Et si je reste sans rien faire
On ne peut rien faire sans moi.

Je suis l'inventaire de la gloire,
De la nationalité,
De la guerre et de la victoire,
Du trône et de la papauté.

J'ai des généraux par centaines,
Tous cousus d'or de haut en bas,
Avec officiers, capitaines,
Et, pour un sou, j'ai des soldats
Qui frapperont de solitude
Les bourgs, les hameaux, les cités,
En écrasant la multitude
Sous les débris des libertés.

Gustave Mathieu (dit de la Nièvre)

(condamné politique honoraire)