lundi 20 octobre 2014

Aux Fusillés morts par la France


Strophe 1

Vous aimez glorifier à chaque onze novembr'
Cett' chèr' « Union sacrée », conservée sous la cendr'
Encor' chaud' des charniers où la class' ouvrièr'
paye éternellement vos folies meurtrièr'.

Pas de fleur au fusil, en pantalon garanc'
Des mômes de vingt ans avec la peur au ventr',
Au beau temps des moissons, partaient tous pour Berlin
Mourir pour l' Capital, comm' leurs frères prussiens.

Jamais vous ne parlez de ces homm' pris au pièg',
La parole muselée grâc' à l' « Etat de sièg' »
Offrant aux généraux le pouvoir nécessair'
D' fusiller sans procès des centain' d' réfractair'.

Refrain
La nuée porta l'orag', en 14, fin juillet
Quand Jaurès fut le tout, tout premier fusillé,
Quand Jaurès fut le tout, tout premier fusillé...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 2

Georges crevait de peur, tout seul dans sa tranchée,
Abandonnant son post', sans but s'en va marcher.
Crevant toujours de peur, adossé au poteau,
Il se pisse dessus, se fait trouer la peau.

L'articl' deux cent dix huit du code militair'
Traite des insoumis, dit comment les fair' tair'.
Six balles de révolver, un frêle corps s'écroul' ;
C'est ainsi que périt à dix-neuf ans, Raoul.

Combien d' horreurs vécues, quelles circonstances
Amèn' à ce qu'un homm' s'injecte de l'essenc' ?
Mais pour le médecin, l'automutilation
Du soldat Henri, exig' son exécution.

Refrain
Des badernes galonnées planquées loin d' la bataill'
Firent abattr' sans remords des homm' comm' du bétail,
Firent abattr' sans remords des homm' comm' du bétail...
...Pour exemple
...Pour exemple
...Pour exemple

Strophe 3

Combien d'hommes abattus sans mêm' être jugés ?
Combien d'hommes innocents dans vos semblants d' procès ?
Si vous aviez pu le fair' vous auriez fusillé
Ceux qui par la pensée essayaient d' déserter !

Combien d'hommes victim' d' la machin' judiciair',
Les obligeant de tuer leurs camarades, leurs frères
Avec qui la veille ils parlaient de liberté,
De paix, de pacifism', d'amour, d'humanité ?

Les prêtres qui comm' vous, haïssent tant la gueus'
Vous ont même prêté une Eglis' dans la Meus' ;
Image éternelle du sabr', du goupillon
Rêvant d' soumettr' les homm', d'leur coller des bâillons.

Refrain
Difficile d' fusiller des millions d'homm' apeurés !
Deux-mille quatr' cents homm' furent donc condamnés.
Deux-mille quatr' cents homm' furent donc condamnés...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 4

Les homm' tombent bien loin des salons de Bordeaux
Où Pétain prépar' avec quelques généraux
Une prochaine guerr', d'autres chemins des Dam'
Pour construire l'Europ' dans le fracas des arm'.

Contre la barbarie qui partout s'éternis'
Partout dans les tranchées des hommes fraternis'.
La chanson de Craonn' et l'appel des soviets
Crient fort : « Non à la guerr' !» en ce printemps dix sept.

Et ce sont les troufions qui se déclar' en grèv',
C'est enfin de l'espoir à la place du rêv',
C'est l'appel de Kiental qui est enfin entendu,
Ce sont les cross' en l'air, c'est l'honneur des poilus.

Refrain
Alors que de partout les soldats se mutin',
Vous fusillez encor' au camp de la Courtin',
Vous fusillez encor' au camp de la Courtin'...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 5

Quel est donc ce pays, quelle est cett' Républiqu'
Qui préfèr' glorifier avec la Sainte cliqu'
L'horreur d'une guerr' inscrivant sans remords
Des millions de noms aux monuments aux morts ?

Tombés au front ou par vos balles fusillés
Les hommes eurent la même pein', le mêm' prix à payer
Pour que sur les boul'vards, comm' le dit la chanson
les gros tirent profit de leur chair à canons.

Tous ces hommes sont morts sans laisser d'notes de frais
Et vous n' chiffrez jamais l' sang qu'ils vous ont versé !
Il faudra bien qu'un jour, si possible demain
La note vous soit remis' par tout le genre humain.

Sachez que vous aurez, vous, droit à un procès !
A votre avis quel prix il vous faudra payer ?
A votre avis quel prix il vous faudra payer ?...
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple
...Pour l'exemple

Strophe 6

Que vos guerr' chang' de nom, se dis' humanitair'
Ce sont les mêm' bourreaux de la class' ouvrièr',
Les Thiers, les Clémenceau jetant en foss' commun'
Jean Jaurès avec tous les enfants d' la Commun'.

Vos monuments aux morts flatt' les militarist'.
Nos monuments à nous honor' les pacifist' ;
Orphelins de Gentioux, de Saint-Martin d'Estreaux
Vous ont jugé coupabl', vous et vos généraux.

Six cent cinquant' soldats abattus par la Franc'
Attend' qu'on reconnaiss' leur liberté d' conscienc',
Qu'enfin soit reconnu le refus d'obéir,
Le droit de vivre libr', pas celui de mourir !

Refrain

Pour que l'Histoire cess' d'être salie, souillée,
Vous réhabilit'rez tous les homm' fusillés,
Vous réhabilit'rez tous les homm' fusillés...
...pour l'exemple
...pour l'exemple

...pour l'exemple



poème de Michel Di Nocera
déposé à la SACD

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